le lavoir de Gentilly
L’ancien Lavoir bains-douches de Gentilly, fermé depuis les années 50 connaît une deuxième vie, profondément transformé par Artéo architectures pour un nouvel usage dédié au numérique – image et son –. Cette institution culturelle portée par l’établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre est unique en France.
Pour désenclaver le bâtiment, le choix a été fait de lui offrir deux entrées en le rendant traversant. L’une d’elles est l’ancienne entrée du lavoir, sur une rue pavillonnaire, pourvue d’une façade en brique avec son double escalier typique de l’architecture des années 20. Désormais restaurée, cette façade incarne et préserve la mémoire et l’identité du lieu. L’entrée principale qui s’ouvre sur un parvis exprime la fonction du bâtiment par une imposante façade en led, signal dans la ville.
En réponse au programme – studios, ateliers, auditorium, cafeteria, administration – les architectes ont sculpté et évidé le volume initial, accroché sur quatre niveaux des boîtes abritant notamment les studios et l’administration, creusé en sous-sol pour y glisser l’auditorium de 93 places ainsi que des loges.
DU LAVOIR BAINS-DOUCHES AU LAVOIR NUMÉRIQUE
Le Lavoir bains-douches municipal – un lavoir de 32 places, 17 cabines de douches, 4 cabines avec baignoires – ouvert en 1924, était le bâtiment patrimonial le plus remarquable du quartier de la Porte de Gentilly, caractérisé en particulier par le double escalier de sa façade principale et sa structure en ciment armé, technique révolutionnaire à l’époque.
Utilisé pendant plus de trente ans – jusqu’à sa fermeture à la fin des années 50 en raison de la construction de grands ensembles avec salles de bain – le Lavoir bains-douches, est emblématique de l’histoire de Gentilly, et les habitants y sont fortement attachés.
Robert Doisneau dans ses souvenirs évoquera ses visites fréquentes aux bains-douches avec sa mère et est à l’origine de la création en 1996 de la Maison de la photographie, par la communauté d’agglomération du Val de Bièvre.
Demeuré propriété de la ville, le bâtiment des bains-douches a connu divers usages avant d’être laissé à l’abandon.
C’est lors de la création de la ZAC en 1998 que les élus de la Mairie de Gentilly ont fait le choix judicieux de réutilisation de ce patrimoine pour un nouvel usage qui restait à définir.
L’idée d’en faire une maison du son et de l’image a fait son chemin progressivement mais ne s’est concrétisée qu’en 2014.
Réactivé et entièrement redéfini, le projet prend le nom de Lavoir Numérique et s’oriente alors vers un lieu de création, d’expositions et de diffusion ainsi que de transmission et de formation, ouvert aux artistes. L’ambition est de s’adresser tant aux scolaires, adolescents et jeunes publics qu’aux retraités.
CONTEXTE URBAIN / ENVIRONNEMENT
Le nouvel équipement culturel complète l'aménagement de la porte de Gentilly où s’élèvent des immeubles de bureaux et d'habitation construits au sein du périmètre de la ZAC. La création de cette ZAC autour d’un jardin public aménagé rue Freiberg a eu pour conséquence de considérablement modifier la perception du bâtiment dans son environnement.
Une opération de logements mitoyenne rue Marquigny ampute visuellement de moitié la façade historique. Contrainte de s’insérer dans un ensemble de constructions nouvelles qui altèrent fortement l’image du bâtiment, elle perd son statut d’entrée principale.
Le pignon nord-ouest et la façade sud-ouest, à l’origine façades arrière du bâtiment, deviennent les façades principales du lavoir métamorphosé pour son nouvel usage. Désormais nouvelle entrée du « Lavoir » la façade sur jardin est dominée en arrière-plan par une récente opération de bureaux de deux fois sa hauteur.
Le bâtiment des bains-douches est à l’étroit dans le nouveau contexte, étouffé par l’environnement bâti.
RÉPONSE URBAINE
L’objectif premier du projet urbain et architectural est de renforcer l’impact visuel du Lavoir pour faire de cet équipement public non plus un élément résiduel dans l’aménagement de la ZAC, mais un bâtiment majeur du nouvel environnement.
La façade historique, telle une marqueterie précieuse, est restaurée à l’identique et agrémentée d’une marquise légère couvrant la cour.
À l’opposé, le pignon nord-ouest s’ouvre sur l’activité intérieure. Cette transparence traverse à rez-de-chaussée tout le bâtiment et crée le lien entre la nouvelle entrée sur le parvis et l’entrée historique, évitant à cette dernière l’effet d’«entrée de service ».
Les trois façades arrière existantes sont peintes en noir monochrome dont l’effet à la fois graphique et abstrait confère au bâtiment une présence forte face aux nouvelles constructions.
Le programme demandait la création de nouvelles surfaces. D’écriture contemporaine, les extensions conçues pour y répondre affirment les nouveaux usages du Lavoir.
L’entrée sur le parvis est surmontée d’une paroi de verre en verre agrafé, doublée d’un filet formant une maille de diodes. Cet écran plaqué sur l’existant abrite l’escalier principal créé à l’extérieur de l’enveloppe historique pour libérer de la surface. Il forme un tableau lumineux, animé et changeant, reflet de l’activité du « Lavoir », support de la communication et de la diffusion d’œuvres numériques.
À l’intérieur, la lumière naturelle traverse cet espace et atteint le hall, filtrée par une succession de strates aux transparences d’intensités variées : vitrage, maille de diodes translucides, caillebotis noir, percements de l’ancienne façade.
À l’intérieur, la lumière naturelle traverse cet espace et atteint le hall, filtrée par une succession
de strates aux transparences d’intensités variées : vitrage, maille de diodes translucides,
caillebotis noir, percements de l’ancienne façade.
La paroi en vis-à-vis de l’immeuble de bureaux est animée par un jeu de cubes brillants se
glissant dans la trame de la structure existante qui abrite les studios. Ces conteneurs équipés de
volets dépliants, sont revêtus de panneaux d’aluminium perforé suggérant des baigneuses, clin
d’œil à l’ancien usage du bâtiment.
PARTI ARCHITECTURAL, CHOIX SPATIAUX
Rez-de-chaussée et étages
Le rez-de-chaussée est un vaste salon traversant lumineux. Ouvert sur ses quatre façades, il occupe l’ensemble de la surface du bâtiment et met en relation les deux entrées, sur la rue et sur le parvis.
Le volume, traversé de transparences multiples, est ouvert en atrium sur toute la hauteur de la construction : on y retrouve le profil en coupe des bains-douches.
Depuis l’escalier déporté hors du hall, des galeries vitrées franchissent le vide de l’atrium pour desservir les étages.
Le regard embrasse dès l’entrée la totalité des espaces et des activités accessibles au public : accueil, espace d’exposition et cafétéria au rez-de-chaussée, conteneurs-studios aux étages.
Les studios et ateliers sont constitués de cubes en saillie sur le hall, caissons techniques d’aluminium coulissant entre la structure suivant le principe de « boites dans la boite ». L’aluminium est perforé d’un motif identique à celui de la façade nord-est. À l’image de « flycases », ces containers indépendants sont équipés pour répondre aux exigences acoustiques (isolation et absorption), de ventilation, d’équipements son et vidéo (réseau, câblage, matériels).
La salle de projection
L’intérieur du bâtiment a été entièrement cureté et une nouvelle structure s’est substituée à l’existante en respectant la trame d’origine.
Pour créer la salle de diffusion, un sous-sol a été creusé à six mètres de profondeur sur la totalité de l’emprise, ce qui a permis d’aménager dans des conditions optimales l’espace modulable de diffusion. Avant démolition des planchers existants et création en excavation des sous-sols, deux méga-poutres ont été posées au rez-de-chaussée pour soutenir les façades, stabiliser la superstructure et éviter tout point porteur dans ce nouveau volume.
La salle, espace soumis aux plus fortes contraintes du programme, dispose ainsi d’un plateau libre sans poteaux répondant aux nécessités fonctionnelles exigées : dimensions, accès, équipements techniques et performances acoustiques. Elle dispose aussi d’un petit foyer.
Elle forme un parallélépipède sombre et mystérieux, animé par la tribune télescopique et le camaïeu de pixels bleus des sièges.
L’accès à cet espace modulable se fait par un escalier spécifique depuis le hall.
Traitement intérieur
La colorimétrie intérieure différencie fortement le sous-sol et les étages.
Les étages sont traversés par la lumière : y alternent le blanc des cloisons, le gris béton des sols, l’aluminium naturel des façades des studios, des portes, fenêtres et murs mobiles, la paille grisée pour les plafonds acoustiques. Volets perforés et stores permettent un contrôle de la lumière pour le travail sur écrans.
Le sous-sol, contrastant avec la clarté des étages exposés à la lumière naturelle, est le royaume du noir et de la projection.
La liaison entre les étages et le niveau de l’espace modulable est assurée par le revêtement en résine bleu nuit du rez-de-chaussée, qui se coule jusqu’au sous-sol.
Signalétique
Elle évoque l’ancienne affectation des lieux d’une manière décalée. Le savon, symbole de propreté, suggère de dessiller ses yeux pour regarder autrement. Sa forme évoque également l’écran, omniprésent au sein des activités du Lavoir. C’est un signal fort de l’identité visuelle qui se décline graphiquement, rappelant le lignage des écrans.
L’ensemble s’inscrit dans un cadre suggérant l’écran et le viseur. Les couleurs de titrage jouent de la superposition entre le vert et le rouge pour former le noir, comme le font les lunettes de vision 3D.
Mobilier
La mission mobiliers a été confiée à l’architecte : fauteuils, chaises, tables de la cafétéria, des studios et bureaux ont été choisis pour s’accorder au projet, à la qualité des équipements audiovisuels, à la colorimétrie générale. Les fournitures font appel à des designers reconnus, comme Ron Arad et son fauteuil Tom Vac et des fabricants de qualité, comme USM.
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